la note de passage
niveau 2
Autre note mélodique (ou note étrangère) extrèmement fréquente, la note de passage est d'un usage très facile.
La note de passage est une note étrangère - ou un groupe de notes étrangères - qui relie deux notes harmoniques par mouvement conjoint ascendant ou descendant continu.
Il peut y avoir indifféremment une ou plusieurs notes de passage successives, l'important est qu'il n'y ait jamais de rupture dans le mouvement conjoint, ni dans la direction (ascendante ou descendante) de ce mouvement :
Une succession de notes de passage (indiquées par P dans les analyses) ne s'interrompt que sur une note harmonique.
Il peut y avoir un changement d'accord avec la note harmonique d'arrivée.
Voici un exemple, dans lequel les notes harmoniques sont vertes et les notes de passage en rouge :
Certaines notes ont deux fonctions, elles peuvent être lues comme notes harmoniques, mais aussi comme notes de passage. Telles le Mi (mes.2, 1er temps) puis le Ré (2e temps) de la mesure 2, en clé de sol, deux notes qui sont prises dans un mouvement de notes de passage et qui simultanément font partie de l'accord. La distinction n'a pas grande importance : les piliers harmoniques sont placés sur les temps, les notes qui suivent ont davantage un rôle mélodique, on les analysera plutôt comme notes de passage.
Les notes de passage viennent donner de la vivacité et de la fantaisie aux mélodies, elles se placent sur la partie faible des temps tandis que les notes harmoniques apparaissent au moment du changement d'accord, sur le temps.
Avec le mode mineur, comme dans le cas de la broderie, il faudra veiller à utiliser le mode mineur mélodique pour l'emploi des notes de passage. Cela crée parfois des iatus avec l'harmonie, qui elle, utilise le mode harmonique pour générer les accords. Selon les styles, ces "fausses relations" seront considérées comme admissibles ou bien comme épouvantables...
Il faudra donc bien vérifier le rendu musical des associations entre notes de passage et accords lorsque la polyphonie est un peu dense en notes étrangères.
L'exemple ci-dessus réunit les cas les plus typiques.
Les notes de passages empruntent le mode mineur mélodique, ascendant ou descendant selon le cas. Selon les goûts, on jugera "savoureux" ou bien "inacceptables" les frottements à la 4e et à la 6e mesures, entre note harmonique et note mélodique en dissonance. Le compositeur est donc tenu de veiller particulièrement à ces rencontres et, généralement, ...à les éviter autant que possible.
On peut aller plus loin : les notes de passages peuvent parfois ne pas rester dans la gamme de la tonalité. En ajoutant des demi-tons intermédiaires, on a des fragments de mouvements chromatiques, pour lesquels l'analyse restera sans difficulté : seules les notes harmoniques comptent pour choisir un accord. Elles sont aux extrémités du mouvement, telles que dans cet exemple, où les notes de passage sont colorées en rouge :
Comment harmoniser une mélodie avec des notes de passage ?
Tout simplement en ne tenant pas compte de leur présence au moment de choisir le degré et le renversement : elles ne font pas partie de l'accord pendant lequel on les entend.
Dans l'harmonisation d'une mélodie, tout mouvement conjoint peut être interprété comme comportant des notes de passage.
Tout mouvement disjoint oblige à penser qu'il s'agit de notes harmoniques.
Voici quelques cas qui aideront à comprendre la méthode. Il faut impérativement analyser avec soin où sont placées les notes de passage, et ensuite déduire l'accord le plus opportun :
1. : SOL est note harmonique, LA et SI sont notes de passage qui aboutissent à DO, note harmonique. On choisira donc un accord qui dure deux temps incluant le SOL : I ou VI ou IV de sol majeur, puis un accord incluant le DO.
2. : SOL est note harmonique, LA une note de passage aboutissant au SI (note harmonique puisque disjointe après). Il faut donc placer un accord qui dure deux temps, et incluant SOL et SI : I ou VI. Ensuite, nouvel accord incluant le RÉ.
3. : SOL est note harmonique, LA et SI sont des notes de passage aboutissant au DO. Celui-ci est note harmonique puisque le mouvement s'inverse pour redescendre au SI. Il faut donc un accord du IVe degré pendant deux temps, puis un nouvel accord incluant le SI.
Il y a une autre analyse possible : le LA est une note de passage, le SI une note harmonique et le DO une broderie. Cela conduit à placer un accord du Ier ou du VIe degré...
4. : SOL et RÉ sont notes harmoniques, puis DO et SI des notes de passage. On n'a qu'une seule possibilité : placer un accord du Ier degré pendant deux temps, puis un accord incluant le LA.
Voici quelques possibilités d'harmonisation :
Les notes de passage ajoutent des risques de mauvaises rencontres : quintes consécutives ou octaves consécutives. Le moyen le plus efficace de les éviter consiste à empêcher ces rencontres par des mouvements appropriés à la basse ou aux voix intermédiaires :
La règle à suivre est simple : si la 2e quinte (ou octave) se produit entre notes harmoniques qui arrivent ensemble sur le temps, l'effet est très audible et doit être corrigé.
Dans les autres cas, on peut admettre ces quintes ou octaves consécutives rapprochées. Voici quelques exemples :
Prenons à présent une mélodie, et harmonisons-la, pas à pas :
Toujours débuter par un coup d'oeil général, auditif évidemment.
On note la coupe en 4 + 4 mesures, qui appelle une cadence mesure 4 et une cadence parfaite mesure 8.
De plus, on trouve des groupes semblables, avec l'alternance de nuances f et mf. La mesure 4 / 4 permet de changer d'accord avec chaque noire mais aussi avec la blanche, si nécessaire.
Examinons les mesures 1 et 2, et analysons les notes mélodiques :
nous avons deux broderies, que nous ôtons ...
Nous pouvons alors choisir les accords. On peut songer à n'écrire qu'un seul accord par mesure, car c'est possible. Mais cette harmonisation manquerait de dynamisme.
Deux accords par mesure seront préférables, avec les degrés les plus naturels : Ier degré puis IVe. Ensuite Ve et Ier :
Ensuite viennent les mesures 3 et 4. Nous savons qu'une interruption de phrase correspond à une cadence.
Ici, seule la 1 / 2 cadence trouvera sa place : la note SI s'intègre dans l'accord du Ve degré. Analysons à nouveau les notes mélodiques : nous avons deux P et une B :
Si nous conservons la blanche comme durée d'accord, nous avons MI + DO pour le premier (I ou VI). Gardons VI.
Puis la note RÉ (II ou V), sachant que le SI est obligatoirement un Ve degré à l'état fondamental (définition de la 1/2 cadence).
Il ne serait pas heureux d'avoir le Ve degré deux fois de suite, nous garderons donc VI II V :
Cela donne :
Les mesures 5 et 6 reprennent textuellement la 1e et la 2e mesure : il n'y a aucun scrupule à répéter la même harmonisation !
Les deux mesures de terminaison permettent deux analyses :
1. avec deux notes de passage, le LA et le RÉ sont notes harmoniques, un seul accord les contient : le IIe degré
2. si le RÉ est vu comme une broderie, alors les notes harmoniques de l'accord sont LA et DO : accord IV ou VI.
Dans les deux cas, la fin oblige à adopter le schéma de la cadence parfaite I-V-I.
Plus fluide, la 1e formule sera préférable :
Voici donc la basse complète :
Nous pouvons ensuite affiner la basse, et ajouter les voix intermédiaires. Celles-ci peuvent aussi bénéficier de l'ajout de notes mélodiques.
Mais attention de ne pas ajouter de notes "non analysables" !
Exercice B 6
Analyser les notes mélodiques dans un texte musical : broderies et notes de passage.
Une fois le fichier ouvert dans MuseScore, commencez par l'écouter : appuyez sur la barre d'espace.
corrigé de l'exercice B 6
Exercice B 7
Harmoniser trois courtes mélodies comportant des notes de passage et des broderies.
corrigé de l'exercice B 7
Les corrigés montrent des solutions d'écriture auxquelles vous n'auriez peut-être pas songé.
Chercher à rédiger avec soin les différentes voix - et pas seulement le soprano - va devenir un défi supplémentaire très excitant...
C'est ce qu'on appelle arranger
Date de dernière mise à jour : mardi, 17 mai 2022
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