encore des notes étrangères...(1)

l'appoggiature

niveau 5

Vous avez utilisé la note de passage et la broderie. Généralement, ces notes mélodiques prennent place sur les temps faibles et les parties faibles des temps, ce qui permet de déduire que la note harmonique se place la première. L'analyse de ces deux mesures est facile puisqu'il suffit de lire verticalement l'accord sur chacun des temps, les notes qui animent le reste de ce temps étant étrangères ou bien des notes harmoniques : 

17-01-1.png

Parfois, nous avons vu une note de passage placée sur le temps, prise dans un mouvement régulier. Elle provoque une dissonance avec le reste de l'accord, et l'analyse oblige à faire abstraction de cette note pour reconstituer l'accord en prenant la note qui la suit : 17-02-1.png

Ce cas n'est pas très fréquent, il concerne le plus souvent la basse, mais il peut ici être cité en référence pour aider à la compréhension d'une autre catégorie de note étrangère : l'appoggiature.

L'appoggiature est une note mélodique qui concerne essentiellement le chant du soprano. Elle porte une charge expressive forte. Cette note remplace sur le temps la note harmonique (dite note réelle) et se résout ensuite en la faisant entendre. L'appoggiature est conjointe, au-dessus ou au-dessous de la note réelle. Elle peut également être située un demi-ton chromatique au-dessous de la note réelle, sans qu'il y ait de quelconque modulation. Sa durée est variable, mais généralement assez substantielle. L'appoggiature provoque une dissonance avec l'ensemble des notes de l'accord.... l'effet recherché étant précisément cette tension harmonique, résolue par le retour à la note réelle.
Voici quelques exemples d'appoggiatures (notées "app") :

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        Comme on le voit, la note harmonique n'est jamais placée sur le temps, mais elle suit toujours l'appoggiature.

Celle-ci dure une noire, une croche ou même une blanche. Plus la durée d'une appoggiature est longue, plus intense est son effet expressif.
Mesure 3 : voici un cas d'appoggiature chromatique, le Ré est remplacé par un Ré dièse pour une raison d'expressivité musicale. Pour analyser (et chiffrer) les accords, on ne peut pas se contenter de lire verticalement l'accord sur chaque temps. Il faut d'abord ôter mentalement l'appoggiature et la remplacer par la note harmonique. Alors tout devient beaucoup plus limpide !
Parfois surgissent des ambiguités, qu'on lèvera en se souvenant qu'une appoggiature est une note accentuée, et dont la dissonance est expressive. La cohérence tonale doit également prévaloir ; analyser, par exemple, le 1er accord comme "une neuvième majeure" n'aurait pas grand sens...

Comment déceler une appoggiature dans une mélodie à harmoniser ?

Jusqu'ici, vous avez toujours considéré la première note de chaque temps comme une note harmonique, donc appartenant à l'accord.
Avec cette nouvelle possibilité, il faut donc ne plus recourir systématiquement à cette façon de faire, et se poser la question suivante dès que la 1e et la 2e note sont conjointes :
"Est-ce la 1e note qui est harmonique, ou bien la 2e ?"
Le premier cas est le cas habituel que vous connaissez, le second cas propose une appoggiature suivie de la note réelle. Cette distinction sera déterminante pour le rendu du style. Un bref exemple éclaircira cette question.

Prenons une mélodie simple, telle que celle-ci, et examinons les deux approches :

                                      17-04-1.png

La mesure à deux temps incite à placer un accord par noire, donc deux accords différents par mesure sauf (peut-être)à la 3e mesure. Ce choix n'est pas impossible mais reste peu intéressant. Par contre, si au préalable on cherche à relever la présence de groupes de deux notes formant la succession appoggiature-résolution, on voit que chaque mesure pourrait être analysée sous cet angle :

                                  17-05-1-1.png 
L'accentuation musicale et le phrasé doivent être examinés pour confirmer cette analyse, car la notion d'appoggiature sous-entend un accent expressif.

Les appoggiatures (colorées en vert) devront être éliminées mentalement pour choisir l'accord : cela nous conduit à placer un seul accord par mesure :
Mesure 1 : Ve degré (de Do majeur), mesure 2 : Ier degré, mesure 3 : Ve degré et mesure 4 : Ier degré... si on souhaite harmoniser au plus simple !

Ce qui donne deux versions fort différentes :
La première présente deux accords par mesure et ne prend pas en compte la présence d'appoggiatures. La seconde n'a qu'un seul accord par mesure, et intègre les appoggiatures dans l'analyse de la phrase. 

          17-06-1.png

La première version apparait comme plus lourde et plus agitée comparée à la seconde, qui est plus raffinée et légère.

       Voici un autre exemple :
Pour être plus aisément traité, posons que ce petit fragment mélodique ne comporte pas de modulation. Nous avons une mesure à trois temps, qui fait songer au principe de la valse, celle-ci est traditionnellement harmonisée par un seul accord par mesure.
17-07-1.pngNous devrons donc chercher quel degré va remplir correctement sa fonction, mesure par mesure.

L'anacrouse ne s'harmonise pas, mais est à lire comme un Ve degré.
La mesure 1, si on l'analyse avec Ré et Si, notes harmoniques, ne peut justifier le Do (croche). Il faut donc considérer le Do (noire) comme la note harmonique, précédée d'une appoggiature. Le Si est une simple broderie. La tonalité s'établissant en Do majeur, on placera dans difficulté un Ier degré ici.

La mesure 2, avec ses deux notes conjointes, présente l'allure typique de l'appoggiature. Mettre ici deux accords différents serait maladroit. Nous prendrons donc le Sol comme la note harmonique, et le La comme une note étrangère : on l'oublie et le choix d'un Ve degré, par exemple, sera légitime ici.

Les mesures 3 & 4 semblent plus complexes, toutefois leur profil sera plus limpide en ôtant mentalement la 1e croche de la mesure : on a, mesure 3, Fa relié à Do par des notes de passage, et -mesure 4- Ré relié à La. D'où l'usage d'un IVe degré suivi d'un IIe degré.

La mesure 5, par sa ressemblance avec la 2e mesure, sera examinée de la même manière : Do (blanche) n'est pas la note harmonique, c'est le Si. Celui-ci demande un Ve degré.

Voici donc l'analyse de ce fragment :
En vert, les appoggiatures : ce sont des notes qui ne font pas partie de l'accord. Sous la portée, le degré choisi.

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Il ne reste plus qu'à rédiger en choisissant la basse, et en complètant les accords :

   17-09-1.png

 

Règles d'écriture

 Elles sont peu nombreuses. L'expressivité de l'appoggiature autorise bien des formules, on pourra la placer dans le chant mais aussi dans les parties intermédiaires.
La doublure de la note appoggiaturée, en particulier, présente l'intérêt de renforcer la dissonance : elle pourra le plus souvent être pratiquée. Une distance de 9e ou de 7e entre l'appoggiature et la note appoggiaturée est nécessaire, la doublure à la seconde est à éviter.
Seule la doublure de la tierce majeure entraîne une dureté, et il sera souvent judicieux de s'en passer. 

      17-10-1.png

 

 

Exemple de quelques cas d'appoggiatures 

 

Mesure 1 : appoggiatures à l'alto.
Mesure 2 : doublure de tierce mineure, le Fa étant appoggiaturé par un Sol, une 9e au-dessus de l'alto, est d'un bon effet. Ce style autorise d'atténuer les scrupules avec les règles basiques : les octaves consécutives (Mi puis Fa) entre alto et soprano ne s'entendent pas, donc ne sont pas gênantes.
Mesure 4 : association de l'appoggiature et de la note réelle à distance de 2e, d'un mauvais effet.

Exercice F 1

Transformer une mélodie en y ajoutant des appoggiatures.

Corrigé de l'exercice F 1

Exercice F 2

Inventez une mélodie comportant des appoggiatures, sur un accompagnement donné.

Corrigé de l'exercice F 2

 ...et voici d'autres notes étrangères


Date de dernière mise à jour : mardi, 28 janvier 2020

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Commentaires

  • kamel
    • 1. kamel Le mercredi, 05 août 2015
    Merci pour les exemples simples et clairs
  • O-M
    • 2. O-M Le mardi, 17 mars 2015
    Mes.1 : le 2e temps n'est pas un III, mais un Ve degré : les notes vertes sont des appoggiatures et il faut analyser la note qui la suit comme la note harmonique. 3e et 4e temps : un seul accord (dominante du IIe degré), le Fa est note étrangère (App) c'est le Mi qui est harmonique, et pareil pour le Ré.
  • ribaud
    • 3. ribaud Le mardi, 17 mars 2015
    concernant le dernier exemple, 1ière mesure , première partie du temps 2, on peut considérer qu'on a un accord au degré III, suivi d'une 7ième de dominante dont la résolution de la sensible est retardée?
    le redoublement de la note appogiaturée: est ce une appogiature? toutes les notes vertes sont elles des appogiatures, si oui on en tient pas compte pour construire les accords?

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