rapports entre les degrés

niveau 2

Les sept degrés de la gamme, en tant qu'accord à trois sons, peuvent être mis en relation entre eux sans restriction.
La plus ou moins grande force, dans la succession de deux accords, dépend du rapport existant entre les fondamentales. Nous avons déjà constaté que la hiérarchie des degrés met en évidence le premier degré (la Tonique), puis le cinquième degré (la Dominante).
Ensuite viennent le IVe et le IIe, tandis que le VIe et le IIIe (du mode majeur) ferment la marche dans l'ordre d'importance. L'accord du VIIe degré n'a pas de rôle harmonique indépendant, et le IIIe degré du mode mineur non plus.

Si on établit toutes les relations possibles entre sept notes d'une gamme, on s'aperçoit qu'on peut les réduire à trois catégories d'enchaînements, classés selon l'intervalle entre les degrés : par quarte, par tierce et par seconde.

par quarte

Le rapport le plus fort, stable et naturel enchaine deux accords dont les fondamentales sont situées à la quarte l'une de l'autre, au-dessous ou au-dessus.

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Cet exemple montre des accords à l'état fondamental pour faciliter la compréhension. Cependant, tous les renversements sont employables.
Dans le mode majeur, les enchaînements d'accords les plus forts seront donc les suivants (par commodité de notation, le renversement de la quarte, c'est à dire la quinte, est employé. Cela ne change en rien le rapport : un quarte descendante devient une quinte ascendante !) :

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On peut les employer sans limitation. En variant les renversements l'effet sera d'autant plus satisfaisant.
Le VIIe degré, accord de quinte diminuée bâti sur la note sensible n'a pas de fonction harmonique forte, il faut toujours le considérer comme un accord de Dominante affaibli. C'est pourquoi il est peu employé. On peut avoir recours au premier renversement assez facilement, en substitution de l'accord du Ve degré. Les enchaînements ci-dessus le mentionnant à l'état fondamental sont donc très rarement utilisés.
    Voici un exemple où les accords se succèdent uniquement selon les rapports du tableau ci-dessus :04-04-1.png

Les accords du mode mineur, nous l'avons vu, sont moins nombreux qu'en majeur : on laisse de côté le IIIe degré et le VIIe degré. Restent donc les degrés I II IV V VI. Le tableau suivant indique les enchaînements par quarte les plus conseillables :

04-07-1.png     Petit exemple en mode mineur, reprenant des enchaînements ci-dessus :

04 08 2

 

par tierce

Moins fermes que les précédents, les enchaînements de degrés situés à intervalle de tierce supérieure ou inférieure sont eux aussi très valables. Les deux accords ont deux notes communes, ce qui adoucit le passage de l'un vers l'autre. L'enchaînement donne un meilleur effet avec la tierce descendante, les accords étant à l'état fondamental.

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Cet enchaînement peut parfois rendre une sonorité très fade si le 2e accord tombe sur un temps fort, avec un mouvement mélodique peu significatif ou une basse immobile. Il faudra n'y avoir recours qu'avec précaution.
Les enchaînements dans le mode majeur les plus utilisables sont en noir ; en gris, ceux à éviter : 

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Voici les quelques enchaïnements utilisables dans le mode mineur, en bleu celui qui unit deux accords diminués (c'est donc un enchaînement qui ne s'emploie que très rarement) :

2 degres min tierce

    Exemple d'une suite d'enchaînements par tierce (sauf la cadence plagale !) :

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par seconde

Le dernier mode d'enchaînement consiste à associer deux accords dont les fondamentales sont voisines. Les accords n'ont donc aucune note commune. Ces enchaînements sont souvent de sonorité rude, et nécessitent d'être bien amenés. Les plus employés sont : IV - V et V - VI. On peut aussi utiliser I - II. En descendant, l'enchaînement sera plus faible. 

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Le caractère archaïsant et modal de ce type d'enchaînement l'a rendu suspect à bien des théoriciens. Il reste très valable dans certains styles, il faudra tenir compte de son impact selon le caractère souhaité. Voici les enchaînements les plus pratiqués :

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En gris, les enchaînements peu conseillés dans un style tonal, en rouge l'enchaînement V - IV vivement déconseillé à l'état fondamental, mais praticable en renversement.

Dans le mode mineur, nous avons les quelques possibilités suivantes :

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     Voici un exemple exploitant intégralement les enchaînements de degrés voisins.

On se rend compte aisément que le style s'écarte des normes classiques, tout en restant tonal : le genre moderne exploite préférentiellement ce type d'enchaînements car il se distingue des traditions séculaires :

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Résumé : partant d'un degré donné, on peut lui faire succéder un accord dont la fondamentale est situé à la quarte, à la tierce ou à la seconde.  En ne prenant que des enchaînements de classe 1 (par quarte), on peut être sûr du résultat mais il risque d'être conventionnel. De même si on préfère se contenter des degrés I  V  IV  et II.
Varier les types d'enchaînement est souhaitable afin d'enrichir l'intérêt musical de l'harmonisation. Comme l'objectif est de produire une basse ferme et cohérente, accompagnant au mieux le soprano, le choix des renversements a également son importance.


Pour comprendre le mode de travail, voici un exemple commenté :

Prenons une courte mélodie, sans caractère particulier, et tentons de l'harmoniser.
Le premier travail consiste à en faire une analyse succinte pour déceler la place de cadences.

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    On remarque deux membres de phrase, débutant de façon semblable, et aboutissant chacun à une cadence :
mesure 4, nous placerons une demi-cadence, et mesure 8 une cadence parfaite. 

La tonalité est Sol majeur. Il peut s'avérer très utile, pour débuter ces exercices, de préparer sur une feuille le tableau d'appartenance des notes de la gamme : on visualise ainsi rapidement quel accord est utilisable. On lit, par exemple, dans le tableau que la note LA appartient aux IIe, VIIe et Ve degrés.

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Pour débuter notre harmonisation, nous devons placer la portée de la basse sous le chant, et discuter une à une les possibilités de placer des accords. Le premier accord est pratiquement toujours un Ier degré à l'état fondamental (parfois un 1er renversement), quelquefois (mais rarement) un Ve degré.

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On écrira un Sol à la basse, état fondamental du Ier degré. La hauteur de la note dépendra du mouvement choisi dans la mesure : s'il monte, nous partirons du Sol grave, et s'il descend plutôt du Sol aigu.
La note suivante est un LA, qui peut appartenir au IIe ou au Ve degré.
- Le IIe degré (après le Ier) est moins fort que le Ve (enchainement par quarte). De plus, on ne pourrait avoir d'octaves consécutives en écrivant un La à la basse ! Le 1er renversement serait envisageable, toutefois. Cependant le choix le plus académique sera le Ve degré : on pourra avoir l'état fondamental (Ré à la basse) ou le 1er renversement (Fa # - note sensible - à la basse) :

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Nous choisirons plus tard quelle basse nous convient le mieux : cela dépend des mesures suivantes.
Après le La, vient un Si, pour lequel notre tableau propose un Ier, un IIIe ou un VIe degré. Nous soupesons les différentes possibilités en matière de qualité d'enchaînement : V-I sera banal mais sûr, V-III peu heureux, et V-VI possible seulement pour la basse bleue (la basse rouge donnerait des quintes consécutives). À ce stade, il faut écouter, essayer, se faire une opinion personnelle, sans chercher à forcer l'originalité malgré tout !

 Je propose, pour la basse bleue V-VI, pour la basse rouge V-I :     04-18-1.png

 Le DO qui suit (mes. 2) oblige le VIe degré à s'enchainer au IIe (qualité supérieure des enchainements par quarte). 

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Par contre, le Ier degré peut aller vers un IVe ou un VIIe. Le IVe degré sera meilleur avec un 1er renversement car la basse devient moins rude et plus élégante :  
 
A ce stade, on peut écouter les deux possibilités et trancher selon sa préférence.
En cliquant sur le lecteur, vous entendrez successivement la basse rouge puis la bleue
Le premier choix est correct et sans surprise ; le second propose plus de raffinement par l'usage des VIe et IIe degrés.
 

Gardons la basse bleue, et poursuivons jusqu'à la 1/2 cadence qui, par définition, place un Ve degré mesure 4, à l'état fondamental. On peut maintenant fixer la hauteur de la basse : le mouvement contraire incite à partir du Sol aigu.

Le chant propose ensuite un Si, qui suppose le choix entre Ier degré, IIIe degré ou VIe degré.
La succession II-VI revient sur l'accord qui a précédé (cette répétition n'est pas impossible), II-I est une solution médiocre car fade, et II-III également, avec la bizarrerie d'un enchaînement faible avec une note longue sur un degré faible.
La solution du retour au VIe degré s'impose :

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Les quatre noires qui garnissent la mesure 3 conduisent à la 1/2 cadence. On cherche si une formule pré-fabriquée s'adapte ici, ...mais ce n'est pas le cas.
La meilleure manière de traiter cette mesure sera la succession V-I-V-I ...
J'abrège ici les discussions au sujets des autres degrés, on s'apercevrait que ces choix tombent sur des cas peu recommandables : V-IV à proscrire, II-VI déjà entendu, IIIe degré incongru...

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 Exercice B 1

Tentez de terminer cette harmonisation. La mesure 5 reprendra le même déroulement que le début, et la terminaison devra comporter une cadence parfaite.
Corrigé  de l'exercice . B 1   ou ... b-1-cor-1.png 

 Exercice B 2

Quelques fragments de mélodies, pour commencer le travail d'harmonisation.
Corrigé de l'exercice B 2

Revenons sur un point important : comment choisir le renversement


 

 

 

Date de dernière mise à jour : jeudi, 23 janvier 2020

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Commentaires

  • om-editions
    • 1. om-editions Le mercredi, 22 novembre 2017
    III - V : enchaînement par tierce, le fait que la basse soit "en descendant" ne change pas le rapport. C'est un peu faible, voire fade, mais employable parfois.
  • Nicole
    • 2. Nicole Le mercredi, 22 novembre 2017
    Bonjour
    Une progression III-V à l'état fondamental en descendant est-elle possible ?
    Si j'ai bien compris, ce serait une sixte descendante....
  • Nicole
    • 3. Nicole Le mardi, 14 novembre 2017
    Faut-il apprendre par coeur les enchaînements conseillés, ou peut-on compter sur l'utilisation régulière pour acquérir des réflexes ?
    • Olivier MIQUEL
      • Olivier MIQUELLe mercredi, 15 novembre 2017
      C'est un peu les deux : les enchaînements préférentiels reviennent plus souvent, donc on les mémorise quand on pratique régulièrement...
  • Lhuillier
    • 4. Lhuillier Le vendredi, 30 octobre 2015
    Je ne suis qu'un choriste amateur et je tente de suivre votre cours très intéressant. Il ne manque pas de qualités pédagogiques. Vos exercices utilisent l'outil "Musescore".
    Est-il possible d'écouter les corrigés proposés voix par voix (ex exercice B1, écouter soprano, puis alto, puis basse et enfin l'harmonisation des 3 voix). Avec quelles fonctions ?
    Cette triple écoute me paraît intéressante en vue d'un éventuel apprentissage des voix.
    • Olivier MIQUEL
      • Olivier MIQUELLe vendredi, 30 octobre 2015
      L'écoute de chaque voix séparément est possible et facile avec MuseScore, quand elles sont sur des portées individuelles. Il faut sélectionner le "Mélangeur' (F10) et cocher "solo". Dans le cas de 2 voix sur la même portée, la manipulation est un peu compliquée : sélectionner la 1e note de la voix à ôter, clic droit et "sélectionner" > Plus > "même voix" puis dans l'Inspecteur (F8) décocher "jouer".
  • ribaud
    • 5. ribaud Le mercredi, 08 avril 2015
    faut il toujours harmoniser une mélodie en commençant par la basse jusqu'à la cadence ou bien harmoniser en complétant avec les voix intermédiaires à chaque mesure? n'y a t il pas deux écoles?
  • O. M.
    • 6. O. M. Le vendredi, 27 juin 2014
    "peu significatif" = plat, sans intérêt, qui n'attire pas l'attention - que ce soit rythmiquement ou dans les intervalles.
  • Robin
    • 7. Robin Le vendredi, 27 juin 2014
    Lorsque vous parlez de mouvement mélodique peu significatif dans le passage sur les enchaînements par tierce, je ne suis pas sûr de comprendre. Qu'entendez-vous par mouvement mélodique peu significatif ? Voulez-vous dire mouvement conjoint ?

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